Les PIM sont un moyen de spécialiser le cerveau dans l'exécution d'une tâche, pendant le temps de celle-ci. Cette spécialisation passe par des réglages fins du niveau de sensibilité et de réactivité des régions du cerveau impliquées dans la perception et l'action, à partir d'une intention maintenue en mémoire.

Au moment d'aborder une tâche, le task-set dont il a déjà été question - dans le cortex préfrontal latéral - contient aussi les informations concernant ce qu'il est important de regarder, entendre, sentir ... pour accomplir la tâche, par exemple le fait que pour trouver Charlie, ce qui est bleu n'a aucune importance : c'est l'attention-set (tout ce à quoi il faut faire attention pendant cette tâche). Le cortex préfrontal utilise alors ces informations pour abaisser la sensibilité des régions visuelles réagissant à tout ce qui est bleu, et augmenter celles des régions réagissant à ce qui est rouge. (Ce mécanisme de réglage fin est très bien documenté par un article de Maurizio Corbetta et Gordon Schulman, de 2002). Enfin selon un principe similaire, le cortex préfrontal peut faciliter un certain type de réaction, même inhabituel, et inhiber les autres plus automatiques. On retrouve donc toutes les composantes du PIM. C'est ce qui se passe quand vous voyez s'afficher le mot "ROUGE" écrit en vert, et que vous devez nommer la couleur du mot : votre task-set permet de programmer une réaction au stimulus qui n'est pas celle qui se déclencherait le plus spontanément (on aurait plutôt tendance à lire le mot).

Les PIM des tâches intellectuelles mettent en jeu des actions mentales. Dans ATOLE, les actions mentales les plus utilisées sont des conversions qui transforment une perception d'un certain type (par exemple un son que vous entendez, qu'on peut qualifier de « perception auditive externe ») en une perception d'un autre type (par exemple une image mentale, c'est-à-dire une « perception visuelle interne »). Essayez de nommer mentalement tous les objets sur lesquels votre regard se pose : la conversion va alors d'une perception visuelle externe vers une perception auditive mentale (le nom de l'objet prononcé mentalement). Vous pouvez également transformer une perception auditive externe en une perception visuelle interne (pour répondre à quelqu'un qui vous demanderait si le président de la République porte des lunettes). Et vous pouvez également convertir le mot « fatigué » en une impression physique de lassitude, ou même voir apparaître mentalement les lettres 'a', 'b', 'c' quand vous entendez réciter l'alphabet. Vous pouvez aussi transformer les mots suivants au moment où vous les lisez (« le goût des pommes dans la tarte tatin ») en une impression gustative et vous pouvez même vous imaginer manipuler des ciseaux d'une certaine manière en observant quelqu'un réaliser un découpage précis (et donc transformer une perception visuelle externe en une perception sensorimotrice mentale). Chacune de ces conversions ne demande que très peu d'efforts et peut être réalisée facilement par la majorité d'entre nous. Elles rentrent donc dans le cadre de ce que nous appelons dans ce programme les « manières d'agir simples », qui une fois associées à des cibles perceptives simples et des intentions claires constituent des PIM très efficaces pour se concentrer sur des tâches intellectuelles.

Corbetta M., Shulman G. L., "Control of goal-directed and stimulus-driven attention in the brain", Nature reviews neuroscience, vol. 3, 2002, p. 201-215.