Se laisser distraire, c'est oublier pendant quelques instants - voire beaucoup plus longtemps ! - son intention. Aussi étrange que cela puisse sembler, au moment où votre regard file vers votre dernier SMS, vous venez d'oublier ce que vous cherchiez à faire l'instant d'avant, comme si un coup de vent avait soufflé une bougie. Il n'y a donc que deux moments possibles pour ramener son attention vers sa tâche : a) une fois que le vent de la distraction est totalement retombé (quand vous avez fini de répondre à vos messages, et que vous vous retrouvez nez à nez avec le lait bouilli échappé de la casserole), ou b) au tout début du processus de distraction, quand votre intention est encore activement maintenue en mémoire dans votre cortex préfrontal : c'est-à-dire avant même de commencer à regarder votre écran. Entre ces deux moments - le "tout début" et le "bien plus tard" - l'intention initiale est oubliée et la distraction n'est pas donc considérée comme telle par votre cerveau puisqu'elle ne vous fait dévier de rien.

L'art de garder son attention stable exige donc une capacité assez inhabituelle à remarquer l'amorce du phénomène de distraction et à y réagir tout de suite en ramenant votre attention. C'est possible, grâce à des signes distinctifs qui caractérisent le début de la distraction : une déviation du Regard, de l'Attention et de la Posture (RAP). Cette capacité n'est rien d'autre qu'une sensibilité particulière à des petits déséquilibres du haut du corps, qui rappelle celle du funambule. C'est une sensibilité qu'on pourrait donc qualifier de sens de l'équilibre attentionnel, qui va s'acquérir progressivement à force de tomber (de sa poutre) - de la même manière qu'on développe son sens de l'équilibre ... en tombant. Par chance, cette sensibilité peut s'entraîner dès que l'attention est bousculée, autant dire tout le temps : les courses dans un grand magasin un jour de soldes constituent un solide point de départ.