La concentration et la distraction sont des phénomènes biologiques, qui dépendent de mécanismes précis que les neurosciences commencent à élucider. Comprendre ces mécanismes, même de manière très schématique, c'est disposer d'une grille de lecture pour observer intelligemment les mouvements de son attention et en comprendre la logique, jusqu'à les maîtriser.

En début de semaine, nous avons constaté que le cerveau développe facilement des automatismes, qui peuvent être dans certains cas très utiles et dans d'autres cas très distrayants : tout dépend du contexte. Par exemple, la tendance naturelle à se retourner au moindre bruit n'est pas très utile en classe, mais elle peut nous sauver la vie en traversant la rue.

Les distractions peuvent aussi prendre la forme d'une envie soudaine de regarder une vidéo sur internet au beau milieu de ses devoirs. Cette envie est déclenchée dans le cerveau par un système appelé "circuit de la récompense", dont la mission est simple : se souvenir de toutes les expériences associées par le passé à une sensation de plaisir et tenter de les renouveler, voire de les intensifier. Il se manifeste à nous à travers de petites sensations d'excitation soudaines suivies d'un comportement d'approche, qui débute généralement par une attraction forte de l'attention vers l'objet ou l'activité convoitée ("Hmm... J'irai bien chercher un morceau de chocolat !"). Le circuit de la récompense participe donc au processus de décision dans le cerveau ("Que vais-je faire maintenant ?"), selon un principe de recherche de gratification immédiate.

C'est ce système qui va motiver une personne assoiffée à rechercher de l'eau (un comportement très utile). Mais c'est aussi lui qui obligera un toxicomane à se mettre en quête de sa substance favorite (franchement néfaste). Mais c'est lui encore qui nous donnera envie d'écouter notre opéra préféré (plutôt bien). Mais c'est toujours lui qui nous amènera à guetter compulsivement la moindre réaction à notre dernier tweet (à voir).

Savoir que ce système existe, et savoir reconnaître la sensation particulière qu'il génère à chaque fois qu'il s'active ("l'envie soudaine de") permet progressivement d'interpréter ses messages comme des "propositions" - et non des ordres - qu'on n'est pas obligé de suivre : "Je sais ce que tu veux, mais ce n'est pas une si bonne idée !" Et pourquoi ne pas développer la même attitude de "légère prise de recul" pour maîtriser petit à petit ses propres comportements automatiques : Est-ce vraiment ce que je souhaite faire ? Ai-je vraiment l'intention de regarder la télé ou est-ce que je l'allume de façon machinale, juste parce qu'elle est là devant moi ? Apprendre à apprivoiser son cerveau et son attention, en quelque sorte.