" La philosophie n'est pas une pédagogie de la réponse, mais une pédagogie de la question. "
C'est une activité pédagogique qui propose aux élèves de réfléchir sur des questions et des notions diverses, plus ou moins complexes, qui vont leur permettre d’apprendre progressivement à problématiser, à argumenter, donc à débattre, mais également à conceptualiser (définir des termes, des notions,...).
Philosopher en maternelle (et à l'école élémentaire) ne doit pas s’orienter vers une diffusion de la connaissance ou de la culture philosophique. La pratique seule est un moyen adapté et suffisant pour accéder à un premier apprentissage de cette discipline.
Philosopher en maternelle doit permettre aux enfants d’apporter des éléments de réponses aux questions philosophiques et métaphysiques qu’ils se posent mais également d’aborder des interrogations, voire des inquiétudes, que suscitent les aléas de leur vie quotidienne ou de leur environnement.
Ce doit être une activité ritualisée et réglée :
élèves en cercle
temps limité (utilisation d'un sablier ou d'un timer)
déroulement structuré
Importance du rôle de l'enseignant
L'enseignant doit se mettre en retrait pour "laisser parler" les élèves. Il est là comme régulateur de la parole, pour relancer les échanges, mais il ne donne pas "de bonne réponse".
Le but n'est pas d'arriver à un avis unique, mais de créer des échanges. Que l'élève donne son propre avis, qu'il puisse parler, être écouté...
Les débats à visée philosophique permettent de :
Travailler les compétences langagières : lexique, structure de la phrase
Travailler les compétences sociales liées au « vivre ensemble » :
Prendre la parole
Ecouter l'autre
Respecter l'autre
Développer la pensée autonome de l'enfant
Fonctionnement
En classe entière ou en groupe
Durée de l'atelier : 20/25 minutes environ
Fréquence : hebdomadaire
Elèves disposés en cercle
Temps d'échange limité
Phase d'ouverture – questionnement – phase de clôture
Progressivité des questions (d'abord peu impliquantes)
Rôle de l'enseignant
Note les réponses des élèves
Répartit la prise de parole
Sollicite les "petits parleurs"
Recentre, relance, précise...
Est garant du temps
L'enseignant ne donne pas son avis personnel.
Les obstacles
Difficulté à se décentrer
Difficulté à oser prendre la parole
Difficulté à donner une opinion personnelle
Difficulté à argumenter
Difficulté liée au langage
Il faut souligner l'importance de la répétition.
Certains ne parviennent pas à écouter l’autre, à chercher à le comprendre. Trop égocentriques, ils ne parviennent pas à se décentrer.
Certains élèves n’osent pas prendre la parole devant le grand groupe (timidité, mauvaise image de soi, manque de confiance,..).
Certains semblent incapables de se mobiliser pour émettre et formuler une pensée personnelle.
D’autres ont des difficultés à se justifier, à argumenter,...
D’autres enfin connaissent des difficultés liées au langage (articulation, structuration des phrases, vocabulaire,..)
→ C'est la répétition des séances d'abord en petits groupes qui vont permettre de lever tous ces obstacles.
Attention
"On n'est pas là pour souffrir !" Si un sujet semble délicat émotionnellement pour un ou plusieurs élèves (ou pour l'adulte) à un certain moment, il faut l'éviter.
"On n'est pas dans une thérapie de groupe." Un problème personnel, délicat, intime survient lors de l'échange ? Proposer à l'élève d'en discuter ensemble après l'atelier mais pas en groupe.
"Les petits parleurs, on en fait quoi ?" Leur poser des questions auxquelles ils peuvent répondre par "oui" ou "non". Il y a également possibilité d'avoir un échange avant la séance avec eux.
Un film : « Ce n'est qu'un début »
Le film "Ce n'est qu'un début" montre de façon détaillée la mise en place de débats en maternelle. Cf bande annonce ci-après
Synopsis du film "Ce n'est qu'un début" (2010, Jean-Pierre Pozzi, Pierre Barougier)
Ils s’appellent Azouaou, Abderhamène, Louise, Shana, Kyria ou Yanis, ils ont entre 3 ans et 4 ans quand ils commencent à discuter librement et tous ensemble de l’amour, la liberté, l’autorité, la différence, l’intelligence… Durant leurs premières années de maternelle, ces enfants, élèves à l’école d’application Jacques Prévert de Le Mée-sur- Seine, dans une ZEP de Seine-et-Marne, ont expérimenté avec leur maîtresse, Pascaline, la mise en place d’un atelier à visée philosophique.
Plusieurs fois par mois, assis en cercle autour d’une bougie allumée par Pascaline, ils apprennent à s’exprimer, s’écouter, se connaître et se reconnaître tout en réfléchissant à des sujets normalement abordés dans le système scolaire français en classe de… terminale. Il n’y a plus de bon ou de mauvais élève lors de ces moments privilégiés : juste de tout jeunes enfants capables de penser par eux-mêmes avec leurs mots à eux, plein de spontanéité, de bon sens et de poésie. Et qui font déjà preuve, parfois, d’un incroyable esprit citoyen…
Inducteurs
Une image, un film, une comptine
Un album de littérature jeunesse
Une situation vécue
Déroulement
Pour lancer l’échange :
Des questions descriptives peu impliquantes :
- à partir d'une affiche : que font les différents personnages ? ils font tous quelque chose d’agréable, ils ont tous l’air content !
- ce qu’il y a de « différent » : quelles sont les différentes situations que nous avons pu voir ? qu’est-ce qu’il y a de différent ? de pareil ?
Des questions en lien avec la vie personnelle :
- quelle est la chose que vous aimez le plus faire à la maison ?
- ce que vous détestez faire ?
• Sur l’intensité du bonheur :
- qu’est-ce qu’un « petit bonheur » pour vous ? citez des exemples.
- un « grand grand bonheur » ?
• La subjectivité du bonheur :
- est-ce que qu’un « petit bonheur » peut-être le même pour tout le monde ?
• Des questions plus générales par opposition ou comparaison :
- est-ce qu’il y a des choses qui vous rendent parfois heureux et parfois tristes ?
- est-ce qu’il y a des choses qui vous rendent toujours tristes ?
Illustration : l'arbre du bonheur
Choisir un album support
De nombreux albums abordent les sujets du vivre-ensemble qui permettent de faire vivre la laïcité. La rencontre avec des ouvrages pertinemment choisis par l'enseignant conduit les élèves à une véritable lecture littéraire. C'est surtout travailler le sens, l'interprétation et la mise en débat des textes. Les échanges entre pairs qui émergent mettent en lumière les principes de la laïcité et engagent chacun dans une prise de conscience et une réflexion. La littérature, grâce à la mise en jeu de l’imaginaire est une voie privilégiée pour toucher la sensibilité, aider à comprendre le monde, faire évoluer les représentations, projeter les élèves dans l’avenir, leur transmettre des valeurs, les aider à construire un idéal, …
Nous vous proposons, ci-après, des vidéos de Sophie VAN DER LINDEN, critique, spécialiste de l’album et de la littérature de jeunesse. Elle nous propose de faire confiance à la littérature et aux enfants dans leur capacité à recevoir des œuvres. Dans l’extrait que nous vous proposons, elle nous donnera son point de vue dans le choix des ouvrages à présenter aux élèves.
Grille d'analyse d'album (exemple CANOPE sur l'égalité filles/garçons)
Au sein de l’établissement, de nombreux livres ou périodiques sont proposés aux enfants. Comme l’ont montré plusieurs auteures, nombre de publications pour la jeunesse contribuent à produire et reproduire une différenciation hiérarchisée entre des normes de féminité/masculinité. La grille d’analyse proposée ici a pour but de rendre visible ce qui ne l’est pas nécessairement. Elle peut être utilisée telle quelle dans un objectif diagnostic d’une œuvre, ou servir de base à une activité avec les élèves. L’observation peut s’étendre à tous les domaines : publicités, catalogues, magasines, manuels scolaires, mais aussi œuvres d’art, journal télévisé ou émission.
Le rôle de l’éducation est ici essentiel à trois niveaux.
1.D’une part, l’école choisit les ouvrages et périodiques qu’elle propose aux élèves et les lectures qu’elle leur recommande.
2.D’autre part, elle participe à la déconstruction des stéréotypes de genre en apprenant aux élèves à les repérer et à comprendre leurs potentiels effets inégalitaires.
3.Enfin, elle permet aux élèves d’accéder à des œuvres ou des contenus qu’ils ou elles pourraient refuser de lire parce que ne leur semblant pas correspondre à ce qui convient à leur sexe.
Attention : il ne s'agit pas de dénigrer ce qui se fait dans les familles, ni de censurer ouvrages, chansons qui véhiculent des stéréotypes. L'école, par sa place particulière dans la vie de l'enfant et dans l'organisation de la société, se doit de promouvoir les valeurs.